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14 mars 2006

Dialogue, communication et l´idéal.

A Ymra

Dialogue, communication et d´idéal.

Chère Ymra, ta remarque est des plus pertinente et si je peux y répondre, je dirai que depuis des siècles, l´homme noir a été contraint à subir, à suivre, à se taire, à imiter plutôt qu´à créer, et à se soumettre plutôt qu´à s´imposer sur l´enjeu de sa propre existence. Voilà le mal, et il est plus profond que certains ne le veuillent le reconnaître, parce que dans leurs subconscients refoulés, s´exprimer, faire part de ses désirs, de ses rêves et s´organiser à les défendre ou à les asseoir dans la réalité, c´est enfreindre un interdit agressif et dominant qui peut conduire à la mort ou à l´exclusion de la part du maître blanc dominant. Et si on y fait attention, on remarque que l´homme noir ne s´exprime réellement que par la musique par exemple ; par un biais somme toute ambiant, complémentaire ou accompagnant l´expression culturelle, plutôt que de s´attaquer au fond: à l´instrument de libération et de forge de la réalisation sensible. Beaucoup vont s´écrier en lisant ces mots, d´autres vont nier la vérité pour ne pas accepter le mal invisible qui les ronge. Et cependant, il est bien là. Et parfois plus puissant qu´on ne le pense, et c´est parce que ce genre de vérité n´est pas accepté que l´homme blanc, ou l´arabe sous lesquels nous avons connu l´enfer, ne s´en utilise que mieux pour nous désorienter et nous conduire à des impasses qui, sous quelques aspects individuels satisfaisants qu´ils soient, ne nous repoussent que d´autant mieux dans leur filet de soumission, d´aliénation et de dépendance.

Beaucoup de noirs se répugnent à s´exprimer, parce qu´il ont peur de faire des fautes d´orthographes, ou pire: de dévoiler leur âme, ce que depuis des siècles l´homme noir a appris à protéger, pour ne pas succomber mentalement dans la nullité, ou s´offrir inutilement au couteau de l´ennemi de nos pensées. J´ai donc pris l´habitude de faire des fautes d´orthographe dans mes remarques, pour les encourager à s´exprimer. L´important, ce n´est pas la forme, mais bien le contenu. Et tout le monde sait que le français n´est pas notre langue culturelle. Beaucoup trop de noirs, à mon avis, parlent le français avec l´accent de Lille, l´anglais avec l´accent de New York ou de Liverpool ;  ils écrivent et soigne la langue du maître, et cependant, ils en oublient de soigner la langue de leurs pères ou celles de leurs mères. Une hérésie à mon avis ; une fatale et déracinante hérésie. Et si ces « civilisateurs » apprenaient aussi à respecter et à parler des langues africaines ? La culture, la vraie, est un lieu d´échange bilatéral ; une quête à la recherche de l´harmonie, pas un dictat ou une orgie de destruction ou d´imposition d´us et usages.

Le niveau intellectuel, moral, éthique de notre existentialisme s´estompe dans le silence parce que ni dans les livres, ni dans l´art ou le discours philosophique dominant blanc il ne trouve sa libre et pleine réalisation. Pire : les cultures occidentales ont mis tout en œuvre pour minimiser le génie ou les apports culturels africains tel que le maquillage, le vin, la papyrus, les mathématiques (Bâton d´Ishango, algèbre et trigonométrie dans les ères pharaoniques, etc). On lui réserve plutôt le rôle de danseur, de sportif ou d´amuseur public, alors qu´il est à la source de bien d´inventions modernes (voir notamment les savants et inventeurs noirs sur africamaat.com)   

C´est pourquoi il faut encourager toutes les formes d´expression qui nous rapprochent de notre sensibilité introvertie contrainte, afin que notre véritable libération culturelle s´effectue le plus rapidement que possible et vienne refermer ce trou devant lequel nos âmes assoiffées trépignent. Et à mon avis, il n´y a que l´amour de nous-mêmes, l´amour profond de notre race et de notre peau, de notre culture, qui peut le mieux nous ouvrir aux portes de l´assouvissement et ceux de la réparation d´un voeu historique pathétique et merveilleux, parce qu´il révèle, malgré toutes les offenses et les blessures qui nous ont été faites, que nous sommes une des plus belle et des plus courageuse race de cette terre. Et cela, c´est une vérité incontournable; il suffit de se retourner et de voir ce que nous avons, dans des conditions d´oppression incroyable, réalisé. Etre un noir, appartenir à cette culture incomparable, devient un don inégalable de résistance et de ferme fidélité à la première race de Dieu. Il ne suffit pas seulement d´y croire, il faut aussi le dire à haute et intelligible voix, afin que ceux qui hésitent ou qui sont encore imprégnés par la timidité ou la retenue leur imposées depuis trop longtemps se libèrent et redeviennent créatifs et positifs; nous ne sommes ni des brigands, ni des criminels, ce que nous exigeons et réclamons est légitime et universel: le droit d´être, de rester et de devenir nous-mêmes. Et sur ce chemin retors et souvent tortueux, nous avons besoin de toutes nos voix, d´une organisation qui nous rende solidaire et imposant pour asseoir sans gêne et sans complexe nos buts: nous épanouir et nous réaliser pleinement, comme tout autre culture, dans sa sensibilité, ses attentes, ses rêves, sa créativité: être libre et indépendant au sens le plus profond et le plus généreux du terme. Sans le moindre doute, quoi qu´il en fasse; c´est notre droit. Et celui des nôtres. Le droit de tout être humain.

Musengeshi Katata

Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu

munkodinkonko@aol.com

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