Un monument de conscience : Franz Fanon
Extrait de "Pour la Révolution Africaine"
Derrière le racisme et la culture qui en est victime
« Le racisme (...) n'est qu'un élément d'un plus vaste ensemble: celui de l'oppression systématisée d'un peuple. Comment se comporte un peuple qui opprime ? Ici des constantes sont retrouvées.
On assiste à la destruction des valeurs culturelles, des modalités d'existence. Le langage, l'habillement, les techniques sont dévalorisées. Comment rendre compte de cette constante ? Les psychologues qui ont tendance à tout expliquer par des mouvements de l'âme, prétendent retrouver ce comportement au niveau de contacts entre particuliers: critique d'un chapeau original, d'une façon de parler, de marcher ...
De pareilles tentatives ignorent volontairement le caractère incomparable de la situation coloniale. En réalité les nations qui entreprennent une guerre coloniale ne se préoccupent pas de confronter les cultures. La guerre est une gigantesque affaire commerciale et toute perspective doit être ramenée à cette donnée. L'asservissement, au sens le plus rigoureux, de la population autochtone est la première nécessité.
Pour cela il faut briser ses systèmes de référence. L'expropriation, le dépouillement, la razzia, le meurtre objectif se doublent d'une mise à sac des schèmes culturels ou du moins conditionnent cette mise à sac. Le panorama social est déstructuré, les valeurs bafouées, écrasées, vidées.
Les lignes de forces, écroulées, n'ordonnent plus. En face un nouvel ensemble, imposé, non pas proposé mais affirmé, pesant de tout son poids de canons et de sabres.
La mise en place du régime colonial n'entraîne pas pour autant la mort de la culture autochtone. Il ressort au contraire de l'observation historique que le but recherché est davantage une agonie continuée qu'une disparition totale de la culture pré-existante. Cette culture, autrefois vivante et ouverte sur l'avenir, se ferme, figée dans le statut colonial, prise dans le carcan de l'oppression. A la fois présente et momifiée, elle atteste contre ses membres. Elle les définit en effet sans appel. La momification culturelle entraîne une momification de la pensée individuelle. L'apathie si universellement signalée des peuples coloniaux n'est que la conséquence logique de cette opération. Le reproche de l'inertie constamment adressé à "l'indigène" est le comble de la mauvaise foi. Comme s'il était possible à un homme d'évoluer autrement que dans le cadre d'une culture qui le reconnaît et qu'il décide d'assumer. »
Franz Fanon (extrait de : « Pour la révolution africaine »)
Réflexion
Maintenant, chers lecteurs je me permet de me poser une question : certes Franz Fanon était psychiatre, c´est à dire de ces gens que le dessous du comportement humain est un champ organique de raisons, de constructions symboliques et de conflits qu´il faut démêler et comprendre si on veut soigner adéquatement le malade mental ; ce qui explique ses analyses profondes de la société coloniale aliénée. Mais ceux qui l´ont lu, qu´ont-ils fait de ce legs précieux qu´il leur avait fait, si aujourd´hui encore non seulement son diagnostique reste vrai, mais le mal aussi ? A croire qu´il n´y aurait eu ni indépendance, ni élite africaine…ni les écrits prévenants de Franz Fanon. Qu´a-t-on donc fait ces derniers 40 années, que diable ? Personne n´a-t-il réellement compris ce dont il s´agissait ? Et ces universitaires qui couraient les rues en Afrique, que valaient-ils alors ? L´élite au pouvoir en Afrique ne comprenait-elle pas qu´elle était en train de discréditer, de miner inconsciemment toute prétention intellectuelle en Afrique ? C´est bien dangereux ce qu´elle fait là, car de qui, d´où viendrait donc le sauvetage, sinon de gens instruits et érudits ?
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu