Le kimbanguisme et ses contradictions
A quand sa libération du sournois christianisme ?
A la recherche du vrai Kimbanguisme
« Entre la liberté et l´esclavage, il n´y a pas de compromis » P.E. Lumumba
PAKASA ONTAMON DIT MEDARD : Je suis kimbanguiste de nature, grâce à des lycées nationaux kimbanguistes j’avais repris le chemin classique des études à Kikwit de 1967 jusqu’à 1970. Je suis logé au centre kimbanguiste de Kasa-Vubu pendant mes vacances sur Kinshasa en provenance de France. Voici ma question. Nous avons une université, les cadres de l’université de la première promotion sont passés par quelle porte ? Pourquoi ne créons-nous pas une confrérie Kimbanguiste qui serait présent dans tous les secteurs de la vie politique, sociale, administrative, militaire du Congo, car papa Simon Kimbangu a passé 30 ans de sa vie en prison pour défendre l’homme du pays et voir naître l’Etat du congo. Où sont passés les vrais congolais pour continuer à défendre la vision du Congo de papa Simon Kimbangu ? Je pense que cette réflexion fera naître la confrérie kimbanguiste de la défense de droit de congolais rapidement.
Réponse Réalisance
Lorsque J´ai lu ta question du 14.08.06 sur http://www.menaibuc.com/article.php3?id_article=79, je me suis rendu compte, avec plaisir, que ce questionnement venait bien à propos pour éclairer le tourment existant actuel du Congo. Ce pays qui est le nôtre tarde malheureusement à saisir d´une part la pensée profondément réalisationnelle (théorie, faisabilité, pratique) de son prophète et philosophe le plus éclairé, et d´autre part, de s´identifier et se motiver par rapport à sa propre historicité. Et selon toute vraisemblance, le Congo se perd dans une aliénation sous jacente sur le paternalisme de la chrétienté qui, lui, ne cache que la domination et l´hégémonie occidentale de la race blanche. Or, depuis Kimpa Mvita, en passant par le grand prophète Simon Kimbangu et son héritier politique Patrice Emery Lumumba, autant dans la dialectique religieuse que dans celle de l´existentialisme sociohistorique, la religion chrétienne a été à l´origine de la destruction de la culture et de la liberté de l´homme noir. Les portugais le firent par l´esclavage et en condamnant et en brûlant la jeune Kimpa Mvita parce qu´elle défendit la liberté du peuple de Kongo, du droit à la liberté religieuse, et reniait que Dieu fut blanc et aurait donné aux portugais le droit de soumettre et de convertir les Congolais. Les belges lors de leur sanglante et douloureuse colonisation (voir notamment les méfaits de Léopold II au Congo) ne firent pas mieux ; ils organisèrent et perpétrèrent leurs buts hégémoniques et paternalistes sur un pays qui n´était pas le leur.
Kimpa Mvita annonça sur le bûcher, en 1706, l´arrivée de Grand Simon Kimbangu. Celui-ci naquit en 1887 et fut arrêté et condamné en 1921 par l´administration belge à 120 coups de fouets et à la détention à vie pour avoir osé propager notamment que Dieu était noir et qu´il avait reçu de sa propre main le devoir sauver son peuple et de le conduire à la liberté. Avant sa mort en prison le 12 novembre 1951, et ce en 1947, Simon Kimbangu annonça nommément Patrice Lumumba comme étant le prochain leader du Congo. Celui-ci n´avait à l´époque que 25 ans et n´était connu de personne. Lui-même ne savait pas qu´il serait élu en 1960 comme premier ministre du Congo indépendant, et ce faisant le père politique de l´indépendance congolaise.
Ceci était un rapide aperçu historique des faits. Mais que voit-on, où que s´est-il passé depuis ? Pourquoi, pour répondre à ta question, le Congo tarde-t-il à :
1- Retrouver et exercer sa liberté spirituelle, politique, historique ?
2- Pourquoi le kimbanguisme stagne-t-il, et se noie dans le christianisme aliénant plutôt que d´exercer sa vocation de libérer historiquement le Congo et de promouvoir à la promotion de la spiritualité de l´homme noir ?
3- La liberté judéo chrétienne qui postule notre soumission et notre aliénation culturelle, économique, financière peut-elle être la nôtre ? Pourquoi cet occident dominant et hégémonique n´accepte-t-il pas la liberté de l´homme noir ; de quelle liberté peut-elle donc nous abreuver ? Faut-il continuer à rester sous son joug, ou il était du devoir de tout homme noir, de tout congolais, á faire prévaloir le droit légitime à sa liberté et à sa réalisation ?
En répondant à ces questions on se rend compte que des termes comme l´église kimbanguiste du christ au Congo sont aliénant et insensés, parce que le Christ, lui, est un blanc ! Or dire que Simon Kimbangu a reçu sa mission d´un blanc, c´est accepter par là même que Dieu est blanc. Ce qui et, pour un noir, et pour Simon Kimbangu, Kimpa Mvita, et même Patrice Lumumba, impensable et faux. De nos jours, certains africains, aidés par quelques ecclésiastes ténébreux et opportunistes qui ont buté sur cette contradiction, s´empressent de vouloir prétendre que le Christ n´était pas blanc, et qu´il aurait été même noir, ou du moins bronzé. Ce que je considère comme des tentatives de vols symboliques insensés et plutôt malheureux qui n´auraient toutes qu´un but : aveugler et aliéner d´avantage l´identité spirituelle, culturelle de l´homme noir. L´homme noir n´est ni un shoa, ni la malédiction de Cham ; c est le premier peuple sur terre, et à ce titre, c est lui qui a reçu le premier la parole de Dieu. Kimpa Mvita et Kimbangu sont donc tout à fait crédibles lorsqu´ils affirment que Dieu est noir. Dieu étant la sublimation spirituelle de notre moi réel, il a la projection et la couleur de peau de celui dont il est la représentation. Et si nous nous avons tous un Dieu, c´est en tout cas un Dieu de tolérance, de multitude et de réelle liberté, car il accepte et a fait croître sur son monde des races différentes, des langues différentes, des différentes approches religieuses de la spiritualité. Or, pour ne prendre que ces deux religion : l´islam et le christianisme, aucune d´elle, et surtout à l´égard de la race noire, de l´Afrique, n´a exercé ni tolérance, ni respect de croyances, de cultures, et même de la liberté à l´endroit des habitants de ce continent ; bien au contraire : ce fut esclavage et destruction culturelle pour quiconque ne voulait pas se soumettre à leurs radicale domination. Et aujourd´hui, tout a été mis en œuvre pour faire croire au noir que sa liberté, comme le disait Léopold II, passe par le chas de l´aiguille de l´acceptation de la domination culturelle, économique, et financière occidentale. Tout est subtile, et cependant savamment orchestré pour maintenir et entériner cette scandaleuse hérésie.
Maintenant, pour couper court, cher ami Pakasa, pourquoi l´église kimbanguiste s´aliène-t-elle, au lieu de s´affranchir en suivant à la lettre l´esprit clair et distinct du Kimbanguisme de Simon Kimbangu ? Après tout ce sont les petits fils du grand Simon qui président son église. Pourquoi contrediraient-ils volontairement à la spiritualité de leur propre foi ? Opportunité ? Serait-il possible que l´église kimbanguiste actuelle ne soit rien d´autre qu´un machin aliéné, sans âme, tout aussi égaré sous l´aliénation occidentale que les africains, les congolais eux-mêmes sous le christianisme volontairement dévoyant ?
Ceci expliquerait, par exemple, que malgré le message exceptionnel de Simon Kimbangu, cette religion ne soit pas encore arrivé à la conclusion que c´est de la liberté et de la libre réalisation dont il s´agit, dans l´existence. Et que cette religion devait se libérer de ses contradictions et faire preuve qu´elle représentait, dans sa philosophie, sans conteste une des plus belle vision de l´existence humaine. Mais comment le ferait-elle si elle se laissait honteusement dominer et enchaîner à l´aliénation occidentale ? Le croyant ou celui y aspirait ne se disait-il pas : pourquoi, si je dois à tout pris m´aliéner, m´adresserai-je au vicaire hybride du village lorsque le pape chrétien m´ouvre les bras ? Combien de temps encore cette religion se cachera-t-elle derrière la liturgie ou la bible chrétienne, alors que Simon Kimbangu avait ordonné de rédiger sa propre bible ? Pourquoi les portugais brûlèrent Kimpa Mvita, que les belges emprisonnèrent pendant 30 ans jusqu´à la mort Simon Kimbangu, et pourquoi les belges, les français et les américains organisèrent l´assassinat de Patrice Lumumba ? Si ce n´était pour nous décapiter de nos leaders éclairés, et ainsi nous empêcher d´aspirer à la liberté ? Et aujourd´hui nous mettrons ces leaders et leurs combats entre les mains de leurs assassins d´hier ? Que peut-on dire d´un tel comportement, sinon qu´il est suicidaire et irresponsable ?
Et pour finir, une conclusion : a mon avis, tout le marasme africain est dû au fait que l´africain ne veut pas se donner de but spirituel, culturel, sociohistorique propre. Les élites au pouvoir qui ont été formés sous l´aliénation occidentale, ne sont pas arrivés à se départir de leur dépendance, de faux préceptes et vision des choses leur inculqué par l´occident. Ils se définissent toujours par rapport à leurs maîtres et à leurs instruments de domination. Et à force d´avoir appris des demi vérités ou des mensonges qui ne conduisaient ou n´étaient valable que lorsque l´occident était, dans ses intérêts et sa culture, satisfait ; la plupart de ces messieurs ne savait plus comment on définit, on conçoit et on réalise sa liberté. En tout cas, ce n´est ni par l´esclavage, ni par la colonisation, et encore moins par l´aliénation mentale ! En attendant que des hommes et des femmes capables de véritable émancipation et liberté mentale viennent les sortir de leur prison, l´Afrique et l´homme noir errera, cahin caha entre la soumission et une liberté rendue insaisissable parce que son entreprise serait bâclée ou tout simplement sournoisement faussée. Le combat, la prophétie et la philosophie de Kimpa Mvita, de Simon Kimbangu ou de Patrice Lumumba sont pourtant clairs à ce sujet quant à la finalité de l´existence. Faudra-t-il que les occidentaux nous dictent toujours leurs impératifs et leurs conditions de liberté ? Je ne le pense pas, n´est-ce pas. Là est le nœud du problème. Et il serait grand temps qu´on y verse de l´eau pure, plutôt que des larmes de crocodile ou de fausses prétentions.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu