Un exemple type: le discours politique de Thabo Mbeki
Eloquent, passionné, engagé, et cependant défaillant depuis 10 ans ?
L´Afrique souffrirait-elle d´un idéalisme qui manque de déterminisme
organisé, détaillé et conséquent ?
Mes lecteurs trouveront sur AfricaMaat dans l´article « la renaissance africaine » par Thabo Mbéki publié le 04 juillet 2006 sur lequel se réfère notre analyse du jour : http://www.africamaat.com/article.php3?id_article=719
L´article en lui-même, est bien écrit ; ce qui nous a dérangé, et qui continue à nous déranger, c´est ce que Thabo Mbéki a oublié de dire, ou ce qu´il a mal exprimé. Nous avions déjà sur ce site, fait une critique de sa politique, ou du moins de ses résultats socioéconomiques réels. Beaucoup de lecteurs se sont sentis agressés parce que Mbéki succédant à Mandela, représente pour beaucoup l´espoir d´une Afrique non seulement en ébullition vers la réalisation de ses brûlantes ambitions, mais le caractère intègre et militant de l´homme rend confiant et rassure qu´enfin, depuis bien longtemps, une nouvelle génération de leaders africains étaient nés. Et c´est vrai dans un sens. Pourtant, le contexte Sud africain qui a, par une intrigue de la plus basse sournoiserie, laissé le pouvoir économique entre les mains des blancs tandis que le pouvoir politique, lui, était alloué aux noirs ; ce contexte vidé de cohésion entre les buts et les moyens détruisait l´euphorie Sud Africaine et la ravalait à un contexte dichotomique, où la division intérieure risquait de remettre les choses, pratiquement à l´heure ancienne. Mbéki pourrait donc s´époumoner, avoir les meilleures intentions du monde pour ses frères noirs, et pourquoi pas, pour toute la nation Sud Africaine, il n´aurait pas les moyens de les réaliser, les moyens étant détenus par les blancs qui eux, ne fonctionnaient qu´avec la manne du profit, parce que celle-ci, dans sa logique et son mécanisme régénérateur, reproduit la suprématie temporelle de celui qui a le capital. Mais ne soyons pas obscurantiste ou borné comme ces socialistes qui voulaient devenir célèbres, se faire aimer et aduler par la population en distribuant des revenus de l´Etat qui avaient été fait par des capitalistes avec des méthodes des plus douteuses. Personne de bonne foi et de bon sens ne veut assassiner le capital ; il s´agit simplement de son orientation vers le financement et la mise à la disposition de ses moyens au profit de la culture noire. Et c´est là que commence en réalité le conflit qui anime toute l´Afrique, parce que les occidentaux, ou blancs comme on veut, sont liés affectivement et structurellement à la culture occidentale. Et celle-ci, hélas, voulait rester dominante et hégémonique. Voilà ce que la plupart des africains ne comprennent : il s´agit d´un conflit à la fois culturel, économique, structurel, financier, philosophique…existentiel. Un large terrain qui commence par l´alimentation et la santé en passant par l´instruction, son symbolisme, ses principes directeurs et ses objectifs, et se termine par la question : dans quel modèle culturel l´homme noir se réalise-t-il ; dans sa propre projection sensible ou lui demande-t-on comme pendant l´apartheid ou la colonisation de se réaliser selon l´idéal du maître qui lui réservait, comme on le sait, la place en dessous de lui ? That is the question. Et il ne s´agisait plus, comme le faisaient bien d´africains, de fermer les yeux et de travailler sa vie entière sans avoir répondu à la question : dites donc, pourquoi et pour qui est-ce que j´ai travaillé toute ma vie ?
En occident, c´est depuis longtemps que les socialistes avaient cessé de tromper leur monde. Nés dans la tourment de l´industrialisation européenne du 19ième siècle, elle ne fut pas seulement un mouvement de contestation, mais aussi un compromis d´évidence économique : produire et produire encore tout en ne payant pas adéquatement celui qui devait acheter un jour ces produits, on courrait tout droit aux invendus et à la restriction du cercle économique (Remarquons la similitude avec notre crise économique actuelle). Cela étoufferait le capital au lieu de l´engranger. Aujourd´hui, aveuglés par la satiété et la mécanisation de leurs sociétés, leur humanisme estropié réclama la fin des abus de l´exploitation, Ils furent surpris de voir que les recettes du capital, et ce faisant des rentrées de l´Etat diminuaient, leur coupant ainsi les moyens de leur politique. C´est ce que j´appelle la fausseté bouffonne du socialisme. En fin de compte, le communisme s´écroulera, faute de moyens économique de sa politique ou comme ce fut le cas en occident, et malgré leurs chaleureux principes de solidarité et de respect humanitaire, ils fermeront les yeux sur l´exploitation éhontée et scandaleuse de l´Afrique pour recevoir des entrepreneurs capitalistes les moyens de jouer at home le rôle tapageur de samaritain, d´humaniste défendant un idéal de partage et de justice sociale. En réalité, ceux qui payaient rubis sur ongle les frais de cette fausseté, de cette mystification idéologique, c´étaient les africains. Mais ils étaient loin, tandis que ceux qui devaient croire à la social démocratie, eux, étaient blancs et bien présents en France, en Allemagne, en Italie, et aux Etats-Unis où ils s´appelaient démocrates.
Ceci pour expliquer que lorsque les étudiants ou les citoyens occidentaux étaient entraînés dans des schémas politiques de gauche et de droite, il ne s´agissait souvent que de la question : combien d´africains allons-nous affamer cette année afin de pouvoir redistribuer les gains entre nos propres citoyens ? Les deux étaient régis par la même comptabilité, les mêmes lois économiques, les mêmes chiffres de production et d´importation ou d´exportation. Si l´un d´eux prétendait faire plus de cadeaux à la société que ne le permettait ses recettes, il n´y avait que deux réponses : l´endettement ou le capitalisme agressif et barbare envers le tiers monde, et particulièrement l´Afrique, parce que c´était le seul continent où l´occident s´enrichissait à la pelle, et rapidement. Avec des méthodes et les conséquences qu´on sait.
Ainsi, pour revenir à Mbéki, de quoi n´a-t-il pas parlé dans son discours si élogieux ? Il parlait de retour des intellectuels et des techniciens africains en Afrique, mais il oubliait trois choses :
De réformer l´éducation et l´instruction africaine pour lui insuffler un meilleur sens pratique, créatif et innovateur. L´erreur de tous les chefs d´Etats africains est de croire que l´occident leur préparera des techniciens qu´ils n´auront plus qu´à mettre en service ! Naïve et fausse conception de la connaissance, parce que celle-ci ignore la spécificité du contexte climatique, culturel, de celui des facteurs énergétiques (si le pétrole sera encore là), les aspirations écologiques, et même de la technologie efficace appropriée (voiture au gaz, aux carburants du pétrole, à l´énergie solaire ou biologique, et même à l´hydrogène liquide …etc).
- Ces techniciens, ingénieurs et savants, s´ils devaient revenir, ne devrait-on pas leur donner les moyens structurels (Laboratoires, salaires appropriés, contextes sociaux tranquillisants pour les inciter à revenir ? Quand entreprendrait-on cet effort si les blancs qui ont le capital, eux, ne finançaient que l´intérêt immédiat ?
- Les africains devraient se refuser à la richesse ? Mais dites donc frère Mbéki, qui construira nos maisons, payera nos usines si nous sommes pauvres ? depuis quand un pauvre a-t-il les moyens de se libérer économiquement, de devenir entrepreneur ? Un peu naïve cette prédiction du dimanche. Peut-être faudrait-il laisser l´église au village, comme on dit.
Et on n´était pas surpris que pour pallier au manque de postulants aux bas salaires Sud africains, l´Etat fit venir des expatriés indous ! Alors, quoi, de quelle politique s´agissait-il ? J´ai bien peur que c´était la preuve que ce sont les entrepreneurs sud africains (comment pouvait-il en être autrement) qui dictaient les conditions d´emploi. Mais alors, à quoi a servi ce discours ? Certes, il a été fait avant sa prise de pouvoir, mais cela prouve bien qu´il avait, comme tous les africains, une idée erronée du contenu et de la portée du pouvoir. Du moins sur certains aspects précis. Et hélas pour lui ces aspects sont fondamentaux pour l´avenir de la république Sud Africaine. Et pour me résumer sur ce thème, je dirai que les africains ne se donnent pas la peine d´organiser et de projeter le détail précieux de leurs ambitions existentielles dans la réalité de leur société idéale ; la plupart des temps, ils se contentent de partir de schémas ou de prémisses héritées de la culture coloniale occidentale. Et on sait que l´esprit et les contenus de ces principes sont trop souvent nocifs, inadéquats ou peu appropriés à réaliser aveuglément les rêves africains de liberté et de réalisation africulturelle.
Ainsi, je suis surpris qu´en parlant abondamment de renouveau, d´imaginaire originel apparenté à réaliser les rêves culturels africains, je ne vois aucun effort réel de changer les choses, mais plutôt un discours qui disait ceci, alors qu´en réalité on restait accroché aux soutanes du Curé malgré qu´on mettait le christianisme au banc des accusés. Et à ce point, on rejoignait les socialismes européens qui fermèrent les yeux sur le pillage de l´Afrique, pourvu qu´ils reçurent les moyens de jouer les vertueux sociaux. N´est-ce pas une forme criante de corruption sociale ? Je le pense bien, et de là à rejoindre le bas de l´échelle, là où les petits dictateurs bornés de la francafrique martyrisaient, affamaient et assassinaient leurs propres peuples pour conserver un pouvoir vide, sans ni contenu conceptionnel, ni réelle ambition sociohistorique. Mais ne servait qu´à rouler en voitures étrangères, se faire soudoyer et défendre les intérêts occidentaux. Qu´est-ce qui avait bien changé en Afrique du Sud ? Ce sont les blancs qui détenaient les moyens de production ; ce sont eux qui dicteront le sens et le contenu des investissements. Cela influera sur l´emploi, sa qualité et ses buts. Et ainsi sur le sens et les priorités de la société ; celui qui dirait le contraire fait comme tous les africain aveugles et bornés : il se trompe lui-même.
Ce que j´ai apprécié dans cet article, c´est qu´il prenait au sérieux et à son juste poids le travail psychologique immense de libération de l´esprit noir. Et j´espère que ce travail, Mbéki ne l´a pas seulement évoqué dans son discours, mais qu´il l´a entrepris avec l´amour et le détail requis. Car on ne jugera jamais assez de son importance, tant la destruction identitaire africaine qui avait systématiquement été entreprise par la culture occidentale et qui perdurait encore aujourd´hui, est ravageuse et incroyablement ancrée dans les comportement existentiels. Et sans une véritable libération mentale, créative, imaginaire, ce continent qui est le nôtre continuera à divaguer et à vivoter. On le voit dans les appréciations et les jugements tronqués et délabrés des africains, même de ceux qui vivent à l´étranger et dont on était en droit d´espérer qu´ils se soient émancipés, beaucoup ne sont plus que des zombies de la consommation et de l´admiration européenne. Ils ont beau être noirs, croire qu´ils ont compris le problème, et même se donner le mal de vouloir chercher ce fond d´eux-mêmes qui était encore africain, hélas, tout était si compliqué ! Et c´est à peine s´ils s´avouent à eux-mêmes qu´ils ne savent plus ce qu´ils sont. Il ne suffit plus de se dire d´être fier d´être noir, il faut aussi montrer qu´on était capable d´excellence, de créativité originelle dont la qualité et l´esprit n´avait aucun complexe à se soumettre à n´importe quelle norme ; même si celle-ci était occidentale. Car là se trouve en réalité le nœud du problème : celui du jugement et de la reconnaissance comparatifs humains exigeant qui n´accepte, dans sa vanité et son orgueil, que le meilleur talent, la plus belle expression. Et celui qui n´a pas appris á réfléchir, à produire ou à concevoir en compétition réelle avec ce monde averti, il a déjà perdu. Et il pourrait évoquer mille et une excuses ; personne ne les écoutera. Aujourd´hui, seuls les résultats comptent, pas les larmes, ni les douleurs. Nous sommes au 21ième siècle, un siècle d´immédiateté, de beauté et d´excellence ; pas de médiocrité.
Musengeshi katata
Muntu wa bantu, Bantu wa Muntu