Pour la libération de Simon Kimbangu
Une libération salutaire, vitale pour l´Afrique et le monde noir
La spiritualité comme projection affirmée du droit existentiel absolu
« Le premier des droits de l'homme c'est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail. » Jean Jaurès
A mon frère Katambwe
Beaucoup de gens se demandent : pourquoi Dieu, que diable ; n´avons-nous pas assez à débattre avec la réalité existentielle que pour nous adonner à une adoration qui, la plupart du temps, s´avérait n´être que projection d´un vœu somme toute plus pathétique et affectif que fondé et réellement fiable ? D´autres se réclament de l´athéisme, d´autres encore plus critiques et versé dans les turpitudes des religions et de leurs méfaits et erreurs sociales, s´épargnent le reste. Dieu, au fait, qu´est-ce que c´est ? Est-ce l´ami invisible qui nous accompagne tout au long de notre vie, dont certains abusent, et que d´autres attendent vainement l´aide et l´assistance ? Et avec le genre de maxime « aides-toi et le ciel t´aidera », toutes les religions se sont retranchées derrière un faux parapluie qui, au lieu d´assister, de faire preuve au croyant de son existence tant désirée, surtout dans les moments difficiles, lorsque tout échappe à notre pouvoir. Savoir en ce moment qu´une force omnipotente veille sur nous, veillera à ce que nos appréhensions se dissolvent dans une fin heureuse, ou tout simplement, par sa toute puissance, qu´elle nous accorde enfin justice ou réalise nos rêves chaleureux. Mais Dieu, existe-t-il ou n´est-il qu´un vœu bon enfant humain, séquelle indélébile de notre nuit humaine de subjectivité pour expliquer d´où nous venons, à défaut de le savoir exactement ?
J´ai été élevé en athée, à cheval entre une société chrétienne colonisée, et le volontaire désir de mon père de doter ses enfants du plus de rationalité que possible en les écartant quelque peu de ce qu´il appelait les mensonges et les intrigues du catholicisme. Ce n est que plus tard, lorsqu´à quinze ans je lui posais la question qu´il eut, avec un sourire indulgent, le loisir de me dire : « Difficile, personne n´est jamais revenu pour nous donner l´adresse exacte de Dieu, et comme Patrice Lumumba et Simon Kimbangu, je me demande si ce Dieu doit nous être inculqué par les étrangers ! S´il existe, il est le nôtre ; l´étranger n´a rien à y voir. Nous devons chercher la voie qui mène à sa foi directe, et pure. C´est pourquoi j´ai tenu à ce que vous ne vous égariez pas. Vous serez plus libres et moins dévoyés ; cela vous permettra peut-être de voir les choses plus profondément, plus originellement. » Et aujourd´hui quand je pense à celui qui fut mon père, le respect que je lui porte est incroyablement haut. Parce qu´il m´a offert, à mes frères et moi, très tôt l´occasion de sortir du moutonnement commun du courant social de jadis en suivant les cours de morale civique au lieu d´aller à l´église ou suivre le cours de religion catholique ou protestante. A ce cours, et plus tôt que ceux qui suivaient la religion, je pus apprendre et confronter mes réflexions avec tous les philosophes et penseurs sociaux étrangers sur des thèmes relevant à la fois de l´amour, de la vie, de l´existence de Dieu, de la notion de culture et de civilisation. De ma mère j´ai reçu un goût insatiable à lire et à écrire. Et aujourd´hui encore, je m´étonne que cette femme qui n´avait pas fait de hautes études acheta des livres pour ses enfants comme une enragée. Peut-être la révolte de ce qui lui avait été, dans son enfance, refusé. Plus tard, lorsque je vins en Europe et appris l´allemand et l´anglais, mon horizon intellectuel explosa littéralement.
Cette petite parenthèse personnelle pour vous faire comprendre, chers lecteurs, que Dieu est toujours une approche subjective et personnelle. Et tous ceux qui se disent enseigner Dieu à d´autres se doivent de respecter la subjectivité individuelle de leurs croyants autant qu´ils doivent personnellement, mais aussi dans la religion qu´ils représentent ou enseignent, la preuve que celle-ci est généreuse, impartiale, et appartient à tous individuellement, et j´insiste sur individuellement parce que la saisie déictique est une saisie subjective, et si elle devient communautaire, ce n´est qu´une communion de valeurs, pas de prière. Parce que la prière est individuelle et subjective.
C´est lorsque j´appris que mon père avait soigné Simon Kimbangu jusqu´à sa mort que la religion kimbanguiste prit pour moi une importance particulière. Mon père, à ce sujet, resta plutôt retenu ; j´appris plus tard que la rencontre avec ce condamné à vie de l´administration belge, dans ses réflexions, ses prières, ainsi que l´annonce qu´il fit de l´arrivée et du choix de Patrice Lumumba à la tête du Congo avait bouleversé toute la vie de mon père et de toute sa famille. Il avait difficile à en parler : trop de souvenirs douloureux, de prédictions qui, étrangement étaient devenues réalité, et un bouleversement intérieur incroyablement profond qui l´avait transformé autant dans le contenu de son échelle des valeurs que dans ses convictions politique et sa foi. Mon père m´avouera plus tard à Bruxelles lorsque nous eûmes, lui et moi des moments solitaires de conversation à bâton rompu, que ce qu´il reprochait à cette époque (celle pendant laquelle il connut à la fois autant Simon Kimbangu que Patrice Lumumba), était que malgré qu´il sut beaucoup de choses bien avant qu´elles n´eurent lieu, son rôle lui fut dicté par les conseil du Grand Simon qui lui recommanda de s´en tenir strictement à ses conseils s´il voulait rester en vie. Et c´est grâce à cela que notre famille échappa de justesse à la mort certaine que lui réservèrent les rebelles du Katanga. Une chose m´a réellement surpris dans ce sens que cela m´a révélé, à plus d´un point, combien mon père était cependant attaché et respectueux de son passé et des valeurs que Patrices Lumumba, par exemple, ou Simon Kimbangu lui avaient légué : j´appris, en 1998, de la veuve Paulina Lumumba qu´il avait régulièrement payé ses factures d´eau et d´électricité pendant près de 20 ans ! Et cependant que j´essayais vainement d´entrer en contact avec Juliette, François ou Roland (je dois avouer que je ne connaissais pas encore l´existence de Guy) avec lesquels nous avions gardé contact…j´ai bien laissé de mots, mais personne n´y a répondu. Curieux, me suis-je dit : ceux pour les quels nous avions perdu tous nos biens en suivant l´idéal élevé de leurs père ne se donnaient plus la peine de reconnaître ceux qui n´avaient pas quitté leurs côtés ?e ne se donnaient plus la peine de reconnaina Lumumba qule, ou Simon Kimbangu lui avaient l Le lien idéal était-il irrémédiablement brisé ? Et si je suis franc, et je le suis toujours, de tous les enfants Lumumba, aucun d´eux ne donne l´impression d´avoir hérité du haut caractère individuel, de la vision intellectuelle avancée des choses et de l´invincible idéal politique élevé de leur père. On a plutôt l´impression que ce sont les enfants des collaborateurs de Patrice Lumumba qui sont resté les plus lumumbistes. Curieux phénomène. Les enfants Lumumba affichent leurs noms, et croient que cela suffit pour leur frayer le chemin du pouvoir ; leur père, lui savait convaincre les masses et les enflammer à son idéal. Une grande différence. Avant de vendre une marchandise, il faut en connaître les avantages, les propriétés et le marché sur lequel on veut le proposer ; se reposer sur le label et la réputation d´hier, c´est oublier qu´entre temps le monde avait changé, qu´il était devenu encore plus salaud qu´hier, et c´est dire que cela exigeait plus de discipline, encore plus d´adeptes, et une conviction en fer trempé.
Devons-nous tous prier au même Dieu comme veut nous le suggérer depuis des siècles la religion chrétienne à coup de fouet, d´esclavage, de crimes en tous genres et d´abus ? Pas du tout. Et je dirai même plus : en aucun cas. Car ce christianisme, tout en parlant de liberté, de démocratie, tout en prêchant un Dieu appartenant à tous, a abondamment mis à mal ses propres dix commandements pour accompagner un capitalisme occidental pillant, violant, violentant et détruisant à loisir pour se remplir les poches. De quel Dieu peut-il donc s´agir ; celui qui autorisait tous ces crimes et manquements à sa Parole ? Et au demeurant, et si nous priions tous à la même religion, le racisme aurait-il pour cela disparu ? Sarkozy arrêterait-il de renvoyer chez eux les enfants de ceux dont son pays pillait et dilapidait les matières premières pour revenir, avec les excédents industriels ainsi abusivement produits, corrompre ses élites, étouffer son agriculture, entraver le développement de l´Afrique ? Je ne le pense pas, sinon, il l´aurait déjà fait. Et cette France qui clamait haut la main liberté, égalité, fraternité n´entretiendrait pas la sournoise et criminelle francafrique ! C´est dire qu´en réalité appartenance ne nous apporte ni notre foi originelle, ni la lumière si faussement prêchée ; ce qu´elle veut, c´est nous aliéner, lier notre âme devant une fausse porte spirituelle qui ne s´ouvrait que pour les blancs. Parce que c´était la leur, car toutes les valeurs leur étaient privilégiées et exclusives, et l´homme noir n´y faisait office que de suiveur et d´imitateur tout au plus, s´il ne gisait pas au bas du paillasson. N´est-ce pas curieux que ceux qui parlaient aujourd´hui de liberté, de démocratie aient acquis leur vérité et leurs assurances en détruisant la foi, la personnalité culturelle et la liberté des autres durant 600 ans ? Dieu pourtant, lui, avait fait des gens de couleur diverses, de foi diverses, de désirs et d´attentes différentes les unes des autres, et libres. Et cependant que ces messieurs auraient commis des siècles durant les crimes les plus odieux à toute intégrité et respect humain, depuis l´Amérique jusqu´en Afrique du Sud, ils prétendraient effrontément représenter Dieu ou parler en son nom ? Est-ce une bague ? Elle est bien cossue, en tout cas !
Pourquoi Dieu est-il le lieu privilégié du mensonge, de l´affabulation, de l´escroquerie sociale, de tous les crimes les plus bas de castes et groupements sociaux poursuivant plutôt leurs propres intérêts que de chercher à établir l´harmonie de la tolérance et l´entente sociale parfaite comme le voudrait Dieu ? Mais c´est parce qu´avec la toute puissance du sacré, on peut tromper bien de gens, les endormir ou les asservir à loisir. Aussi longtemps qu´ils prennent des vétilles pour des lanternes, qu´ils se laissent impressionner par la musique, le décor, bref la grande mise en scène cannibale à leurs âmes étalées devant leurs yeux, ils se laissent aller et cessent de veiller sur leurs œufs. L´escroc, hélas, n´est pas bien loin et profite de leur sommeil pour les alléger de leurs valeurs les plus sonnantes. Pourquoi l´église catholique, protestante, presbytérienne sont les plus grands propriétaires fonciers de notre globe ? Oui, pourquoi ; après tout, ils sont sensés nous ouvrir le paradis, pas nous voler nos terres ou nous retirer le tapis devant nos pieds ! Pendant que nous nous perdions á contempler les étoiles, ces joyeux prélats s´emparaient de notre sol.Le paradis, hein…mon Dieu !
Le seul qui m´a impressionné autant dans ses réflexions, ses prières que dans ses prophéties est le grand Simon, parce que pour lui Dieu n´est pas seulement une symbolisation idéalisée, une projection à la fois imaginaire et réelle de nos valeurs, de nos attentes, de nos rêves, les plus belles ; mais il est aussi, dans son pluralisme et sa multitude, évolutif et déterminant dans la quête infinie de l´harmonie et de l´équilibre auquel il incite. Il dira explicitement à mon père qui cogitera longtemps sur cette phrase : « Dieu n´est pas seulement un symbolisme spirituel idéalisé, il est la raison et la foi de l´existence dont nous sommes le fruit le plus doué. Nous créons Dieu et Dieu chaque jour nous recrée »
Et c´est cela qui m´a impressionné et lié à la foi de cet homme, parce que par-dessus sa quête irrésistiblement belle et généreuse, sa foi est restée ouverte, libre, ambitieuse d´harmonie et d´absolutude. Et tout en reconnaissant lui-même que la perfection n´existe pas, sa quête infaillible est la plus belle des satisfactions réelles.
Quand je pense que l´administration belge, parce qu´il était noir, l´enferma jusqu´à sa mort…aujourd´hui n´importe quel chrétien peut me raconter n´importe quoi, mais arriver aux pieds de cet homme, j´en doute très fort. Et ma colère est d´autant grande qu´il dû mourir en prison, injustement et arbitrairement conamné dans son propre pays. Quant à entendre aujourd´hui ses bourreaux parler de liberté, de démocratie...ou de leurs sanglots!
Derrière l´emprisonnement de ce prophète, il y a une psychologie de lutte et de rédemption de la fierté et de l´identité de l´homme noir comme sujet volontaire et conscient de sa propre existence. Et c´est donc qu´en le libérant de ses fers, en sortant sa prière et sa prophéties de prison pour les mettre dans les cœurs de nos enfants, au sein de nos sociétés, dans nos valeurs existentielles que nous nous libérons nous-mêmes, parce que non seulement nous brisons les chaînes de l´aliénation nous empêchant de recouvrer et de soigner notre propre identité, notre âme originelle et libre, mais nous acceptons aussi d´être les architectes et les artisans de notre propre réalisation. Et c´est cela, c´est prendre possession de son historicité et de sa liberté. Il ne reste plus qu´à les organiser et leurs rendre les devoirs qu´exigent notre pleine et ambitieuse réalisation.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu