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20 février 2007

Sur le contenu, la valeur et la portée de nos larmes

Qui donc se retiendrait de verser des larmes sur le passé, sur le chancelant présent, et sur les manques actuels flagrants de l´Afrique ?

Au-delà des larmes, une volonté de changement ?

Commentaire sur Afrikara sur l´article : http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=1622&msg=1 

Celui qui ne verserait ni larmes ni sanglots au regard de toutes les erreurs, de toutes les humiliations ; toutes les vicissitudes auxquelles l´Afrique s´est exposée depuis des siècles et particulièrement depuis la vide indépendance de 1960, celui-là a un cœur de bois. Ou il ne connaît ni l´histoire, ni la portée réelle des maux, des intrigues et de la rapace cupidité qui se sont abattus sur l´Afrique. Et ici, permettez-moi de relever un malentendu : il ne s´agit pas seulement de condamner les « autres », qu´ils soient islamiques ou occidentaux ; encore moins de se baigner de compassion dans des fausses larmes qui ne cacheraient que l´incapable ou l´inconscient qui s´abritait sournoisement derrière l´indifférence, la traîtrise ou l´abandon des siens. Mais bien, devant le désastre nocif avec lequel se débat l´Afrique, d´être tout simplement humain sans pour autant réfuter que nous aussi nous portions, avec nos traditions désuètes, notre grigrisme abruti et passif, une part intérieure influente de nos maux. Pleurer, en somme, c´est aussi une façon toute naturelle de se révolter devant une situation dont la prégnance touche à nos racines sentimentales les plus vives, là où l´âme avoisine sa plus belle ambition : celle de la jouissance et de l´absolu existentiel. Celui qui prend ce moment de désarroi pour une faiblesse n´a, à mon avis, ou rien compris, ou cessé d´être africain…d´être un être humain tout court.

Au fait, ceux qui ont pleuré et continuent à le faire, qui versent des larmes de sang pendant que ce spectacle déshumanisant continue, et ce, malgré toutes les meilleures intentions du monde, malgré tant et tant de bonnes volontés détournées ou dévoyées, à exercer sur l´Afrique ses méfaits néfastes et destructeurs ; ceux-là versent des larmes inutiles. Car nous savons bien que pleurer, ce n´est pas changer les choses. Il faut bien plus que cela. Il faut la volonté et le ferme désir de se garder, dans un très proche avenir, de telles douleurs. Autant ceux qui s´écrient : « Ne pleurez pas ! », que ceux qui, dans leurs bassesses désemparées, trahissent les leurs ou se vendent à l´ennemi de la francafrique, ne veulent changer les choses. Car la situation que traverse l´Afrique noire en général est d´une précarité dangereuse, d´une acuité sans pareille. Tant ses substances culturelles, économiques, politiques et sociales sont mises profondément à mal, l´empêchant ainsi d´entreprendre et d´entretenir ses devoirs envers elles-mêmes.

Ce qui blesse et fait souffrir, ce n´est pas tellement la méchanceté des autres que celle de ceux qui, dans leur illumination ou leur petitesse d´esprit, s´abaissent à croire que cela ira bien un jour, qu´il suffit seulement d´y croire, en attendant Godot ou le père Noël. Ou encore ayant découvert leur « individualité », ils cultivent le chacun pour soi pendant que leurs mains incultes et baladeuses se servaient de la part et de l´avenir des autres pour ne réaliser que leurs petits horizons bornés. Et cependant ce temps, dans l´arrière pays africains désolé et privé de substance et d´aide légitime, le progrès faisait complètement défaut, que les écoles fermaient ou n´existaient pas ; pendant que les universités et les écoles professionnelles manquaient de professeurs et de matériels didactiques, que les diplômés africains écoeurés au chômage quittaient le pays pour l´étranger. On entendait ces gouvernements parler de patience, d´appel à l´aide occidentale, ou de relance économique ! Cependant qu´eux se remplissaient, sous les rires d´occidentaux corrompant, leurs comptes á l´étranger sans vergogne au détriment de leurs nations. Ne pas pleurer de rage en sachant cela, c´est ne pas voir ni l´injuste pauvreté que des innocents devaient subir, ni savoir que les illettrés et les analphabètes que ce désastre inconscient procréait seraient demains criminels et sans autre avenir que celui de hanter et violenter la société pour survivre. Le cercle vicieux de la misère, de la pauvreté et du sous-développement était entretenu avec un cynisme des plus effrayant. Car si on n´investissait ni dans l´emploi ni dans la connaissance pour enrichir et procréer la créativité ; de quoi diable vivraient ces pays demain, dans dix ans, à l´avenir ?

Jacques Chirac découvre-t-il trop tard son amour pour l´Afrique ; Ségolène Royal ferait-elle de fausses promesses, Sarkozy serait-il injuste envers les noirs en France ? Toutes ces intentions, ces allégations ou discours de circonstances, n´en avons-nous pas encore dévoilé de leur versatilité ? Que Bilé, Boli et leurs pairs se vendent ou se prêtent à cette machination que nous ne connaissons que trop bien, cela ne nous écarte pas de nos devoirs envers les nôtres. De quoi nous étonnons-nous faussement ? Ne voyons-nous pas nos sœurs faire le trottoir dans toute l´Europe ? Ou n´assistions-nous pas aux gabegies et aux escroqueries criminelles de nos propres élites dévergondées ? Que devenait donc notre sens de liberté, surtout si nous savons que la liberté ne se donne pas, qu´elle se conçoit et se réalise avec des efforts ardus et conséquents. Attendre donc que Paris, Washington ou Berlin vienne la faire pour nous ou nous l´offrir sur un plateau d´argent ; c´est à la fois être dangereusement naïf, inconscient, incapable…et dangereux.

Beaucoup crient : unissons-nous, mais lorsqu´on qu´on leur demande de s´engager, de s´organiser afin de réaliser une union d´intérêt et de conscience, ils prennent le large : trop sérieux, tout cela. Danser, paraître et suivre ; c´est bien plus facile que de s´adonner à l´effort de conception et de réalisation de ses propres rêves, de ses propres ambitions. La liberté à bas prix : celle qui se consomme, qu´on choisit dans le tas, celle qui ne vient ni de notre sueur, ni de notre cœur. D´autres s´évertuent, pour crever leur ennui ou briller dans l´activisme béat à chanter à longueur de journée de la conscience. Ô conscience, si seulement tu avais des yeux ! Or une conscience qui ne connaît ni ses ennemis réels, ni le front de son engagement, et encore moins le contenu et la portée de ses actes ; n´est-ce pas une conscience vide, plus tapageuse qu´effective ?

Nous nous trouvons devant le monstre problématique le plus dévorant de l´histoire humaine, et sans employer tous les moyens intellectuels et rationnels pour le vaincre ou l´acculer à accepter notre liberté et notre réalisation ; c´est à peine si on ne peut pas dire qu´on veut traverser l´atlantique en pirogue ! Non, il ne s´agit ni de pleurer, ni même de faire des accusations à ceux qui, dans leur délinquance, nous en font voire des vertes et des pas mûres. Gratuitement. En parlant faussement d´amour envers nous, ou en s´octroyant des meilleures intentions à notre endroit. N´avons-nous pas encore compris que la liberté des autres restait celle des autres tant qu´elle que reconnaissait pas la légitimité de la nôtre ?

Non, il ne s´agit pas seulement de pleurer ; il s´agit plutôt de nous débarrasser de cet infantilisme rationnel qui nous a toujours empêché de voir la réalité telle qu´elle est. Ce qui a embué notre imaginaire et l´a déformé. Parce qu´à mon avis, nous ne manquons ni des moyens intellectuels, ni de clarté politique pour faire valoir nos intérêt et les défendre. Mais si nous nous refusons, par obscurantisme ou par illumination à ne pas garder les pieds sur terre et mettre résolument un pas après l´autre en direction de nos ambitions ; comment diable y parviendrons-nous, en pleurant, peut-être ? C´est pourquoi je conseille à tous ceux qui aiment l´Afrique en pleurant ou pas, de conforter d´abord leur sens et leur contenu de liberté et de réalisation. Peut-être sauront-ils s´ils sont africains ou pas ; parce que la peau, la langue ou les larmes ne suffisent plus. Etre africain signifie prendre ce combat à bras le corps, se battre avec tout son âme et avec ses meilleures forces mentales, intellectuelles, physiques au service de son idéal de liberté afin qu´en récompense, d´ avoir le droit de mériter une liberté de la plus pure et de la plus sévère beauté : celle d´un africain libre, indépendant et souverain.

Musengeshi Katata

Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu

munkodinkonko@aol.com 

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