Sur le sommet Europe-Afrique de 2007 à Lisbonne
Un théâtre désuet qui n´aboutissait nulle part, parce que les acteurs n´étaient ni francs, ni réellement disposés à changer leurs vue des choses pour aller de l´avant ?
Le grand sommet du vouloir qui s´empêche de pouvoir
Curieux sommet que celui qui s´est tenu le 7 et 8 décembre 2007 à Lisbonne entre l´Union Européenne et 53 pays de l´Afrique. Ce sommet succédait à celui de l´an 2000, et comme lui, n´a abouti qu´à un lapidaire renvoi à des commissions et à des vœux et des déclarations d´intention qui ne valait que le temps qu´on a pris à les écouter. Et à certains d´avouer pudiquement leur détresse en déclarant : « C´est déjà beaucoup qu´un dialogue aie lieu entre l´Afrique et l´Europe ». Mais, à part la possibilité de s´entretenir ou d´écouter les discours des uns ou des autres, quels étaient le but, les attentes réelles de cette rencontre ?
Mais d´abord, pour mieux comprendre la valeur réelle de cette rencontre, peut-être faut-il découvrir ce qui anime, ce qui pousse les deux parties respectives à chercher une quelconque plateforme de discussion. Puis on devra se demander, les acteurs sont-ils sincères et quels sont leurs buts réels et leurs motivations. Oui, combien de temps allait-on encore jouer aux rencontres aux sommets si les partis en présence, tout en prétendant régler leurs contentieux ou leurs différents n´étaient, soit incapables d´imposer leurs exigences pour le cas de l´Afrique, soit incapables de changer de politique envers l´Afrique pour le cas des européens. Dans ce cas, n´était-ce pas mettre en scène un théâtre embourbé à l´impasse du preux dialogue qui ne menait nulle part ? Pourquoi, pour faire bien et tromper les apparences, ou pour essayer, comme toujours de tromper son beau monde naïf ?
L´Europe est, de part la crise économique de surproduction et de saturation qui la secoue depuis 30 ans, incapable d´aider valablement qui que ce soit. Et particulièrement l´Afrique qui a un besoin incroyable d´investissements de structure. Par ailleurs, l´endettement public douloureux de ces pays européens actuellement les rend autant fragiles qu´avares de générosités financières. Si Sarkozy faisait le voyageur de commerce en Libye, en Algérie, en Chine pour vendre les produits français, ce n´était certainement pas parce qu´il était riche comme Crésus. Il était de même pour Angela Merkel. Les africains qui croyaient encore à l´avalanche d´investissements européens sur leurs territoires n´étaient-ils pas naïfs ? Je le pense bien. Lorsque l´Europe roulait dans l´or, elle prêta plus qu´elle n´investit en Afrique ; le fera-t-elle aujourd´hui où la crise économique avait engendré le chômage et l´endettement public chez elle ? Elle avait déjà engagé d´énormes efforts financiers pour l´intégration des pays européen de l´Est qui représentaient son espace économique naturel ; n´était-il pas irréaliste de croire qu´elle ouvrirait un autre front financier en Afrique ?
Si je suis franc, je dirai que pour un quelconque réel partenariat économique et financier entre l´Afrique et l´Europe, les africains au pouvoir actuellement devraient donner des résultats économiques encourageants, surtout dans leurs infrastructures, aux investisseurs étrangers et européens. Ne nous y trompons pas : les investissements sont d´ordre privés, pas publics ! Les gouvernements européens ont beau parler, ils n´ont aucun pouvoir là-dessus. Or, ne mâchons pas les mots, à part quelques exceptions près dont l´Afrique du Sud, les élites au pouvoir africain brillent par leurs résultats négatifs. Et on se demande si c´est parce qu´ils ne prennent pas leurs devoirs au sérieux, ou parce qu´ils ne sont ni réalistes, ni assez ambitieux pour leurs peuples. Pour l´Afrique noire ce jugement est encore réservé, car c´est partout le marasme et la désolation. Et qu´on ne s´y trompe pas, comme le font beaucoup trop d´africains, c´est à l´Afrique d´attirer les investisseurs en créant d´agréables climats d´investissement, pas aux investisseurs de venir réparer les manquements et les incapacités d´autochtones incapables et désorientés.
Et même si on part du postulat que l´Europe ne veut, dans cette mise en scène, que garder au chaud des possesseurs de matières premières dont elle avait un grand besoin, ce qui est vrai, et qu´elle n´a nullement, et cela depuis toujours, l´intention de changer sa politique qui consistait á rejeter l´Afrique dans le rôle de réservoir privilégié de matières premières et de main d´œuvre à vil prix. Le capital, cependant, investit toujours où son intérêt est le plus grand et le plus sûr. Le cas de la Chine l´a bien montré ; qui a oublié le vil traitement que l´occident fit subir à la Chine jusqu´à l´arrivée de Mao au pouvoir en 1948 – 49 ? L´occident entier y vendit l´opium en prétextant que c´était un médicament occidental ! Mais aujourd´hui, comme on le sait, ce même occident investit à n´en plus finir en Chine parce que ce pays a su créer par lui-même des conditions qui rendaient les investissements non seulement attractifs, mais aussi largement profitables. Et bien plus impressionnant : l´occident sait pertinemment bien qu´elle se trouve devant une puissance concurrente de premier ordre qu´il ne peut ni négliger, ni sous estimer à l´avenir. Bien au contraire.
A mon avis autant les africains que les européens, dans leurs rapports économiques et financiers, doivent encore apprendre à être francs. Les africains devraient cesser de tourner en rond et de ne pas accomplir leurs devoirs à domicile. Et parmi ceux-ci, et même sans le consentement des européens, ils doivent abattre la francafrique, mettre leurs peuples au travail et protéger leurs accumulations et leurs intérêts énergiquement. Car ce n´est qu´à ce prix que les investisseurs seront intéressés d´y investir. Quant aux européens, ils doivent cesser d´envahir l´Afrique avec leurs excédents plusieurs fois subventionnés tout en empêchant celle-ci de vendre sur le territoire de l´Union. On ne peut pas consommer abusivement toutes les matières premières d´un continent, et c´est dire lui ôter sa dernière chemise, sans le traiter en partenaire égal et respectable en lui mettant, par la corruption de ses élites ou par le vol organisé de ses accumulations, depuis des siècles les bâtons dans les roues.
Conclusions ? Ces sommets ne sont rien d´autres que des faux d´intention, parce que les interlocuteurs ne sont ni francs, ni réellement disposés à changer leurs paramètres de considération. Et tout en ne faisant pas l´effort d´entamer ensemble un meilleur avenir, ils restent embusqués derrières leurs erreurs, leurs manquements, leurs complexes. Ni l´un ni l´autre ne veulent comprendre qu´ils ne peuvent qu´œuvrer ensemble, et que chacun restera de la culture qui est la sienne. C´est autant en défendant les intérêts de sa culture respective qu´en l´ouvrant sur des compromis qui enrichissent et épanouissent ses valeurs et ses moyens qu´on arrivera à un véritable partenariat. Mais cela veut dire aussi que chacun doit faire l´effort de comprendre l´autre et de respecter ses intérêts et ceux de son avenir.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu
Forum Réalisance