Analyse sur le développement en Afrique centrale
Lu Pour Vous :
Afrique centrale. La pauvreté malgré les matières premières
Le faible impact des produits de base sur le développement des pays de la sous-région est au centre d’une série de réunions depuis mardi à Yaoundé.
"Comment peut-on mourir de famine, alors qu’on est assis sur une grosse fortune ? "
La question a retentit, lancinante de pertinence. Cette préoccupation est au centre du Comité d’experts de la Commission économique pour l’Afrique (CAE), qui s’ouvre aujourd’hui à l’hôtel Hilton de Yaoundé, en prélude à la Conférence des ministres en charge du Développement économique de la sous-Région. Le problème, tel que posé, met en évidence un hiatus entre le potentiel naturel des pays de l’Afrique centrale et leur santé économique. Le premier constat qui en découle est que les économies des pays de la sous-région dépendent trop largement des exportations de leurs produits de base. En fait, avec 85% d’exportation de ses produits de base, cette partie du Continent noir est celle au monde qui dépend le plus des ventes sous forme de brut de ses matières premières… Le deuxième constat relève en même temps une sorte de fatalisme, au sujet d’une potentielle " malédiction " qui planerait sur la tête des pays au potentiel naturel riche, et les effets pervers de cette situation sur les mécanismes socio-économiques de pays concernés. Le découragement, l’abandon des autres secteurs d’exportation en dehors des filières de rente traditionnelles (café, cacao, coton, hévéa, et dans une certaine mesure thé et sucre) ; le recours très insuffisant au secteur manufacturier ; la fragilisation des institutions, etc., sont certaines des conséquences du quasi monopole des exportations des produits de rente dans le système commercial des pays d’Afrique centrale.
Les difficultés qui en résultent, prosaïques et concrètes, se font ressentir aussi bien au niveau macro-économique que dans les ménages. La faiblesse du secteur de la transformation locale ; la dépendance exacerbée des économies de la sous-région des cours dictés par les marchés internationaux ; le recul de la productivité, due au découragement des acteurs du monde rural, etc., en font partie.
Selon les spécialistes, une tentative de redressement de cette situation passerait par deux étapes incontournables. La relance des filières traditionnelles et la promotion de la transformation locale des produits de rente en produits semi-finis ou finis. En amont, le renforcement de la recherche, qui doit pouvoir mettre à la disposition des acteurs du monde rural de semences performantes, l’approvisionnement des planteurs en pesticides, engrais et autres intrants, la formation des planteurs, etc., sont les préalables à cette démarche. Et puis, certainement le chantier le plus costaud, la promotion du petit entreprenariat. A ce sujet, la mutualisation des activités du secteur rural, la facilitation de l’accès au crédit bancaire, y compris pour les acteurs du monde rural, sont des chantiers sur lesquels certains pays de la sous-région sont déjà engagés.
Par Serges Olivier Okole
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Cinq pays sur dix que compte la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale, CEEAC, sont confrontés à de conflits internes. Un tableau qui interpelle au moment où s’ouvre ce lundi 10 mars à Kinshasa le sommet extraordinaire sur le Tchad. Interpellation pour autant qu’il s’agit là des crises récurrentes qui ont fait de l’Afrique centrale " le ventre mou " du continent.
Au moment où s’ouvre le sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale, à Kinshasa, sur la crise tchadienne, les pays de l’Afrique centrale doivent se sentir interpellés. Sont concernés par cette rencontre, l’Angola, le Burundi, le Congo - Brazzaville, le Gabon le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, la Guinée équatoriale, Sao Tomé et Principe et la République démocratique du Congo.
Voilà plus d’une décennie que cette sous-région d’Afrique est confrontée à de graves crises dont les ondes du choc ont retenti sur tout le continent. Les crises les plus importantes sont celles qui ont frappé la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, le Burundi. Si le Rwanda n’avait pas quitté la CEEAC, les massacres de 1994 qui ont ébranlé ce pays ont eu des effets d’entraînement considérables dans la région de l’Afrique centrale et celle des Grands Lacs. Par ces temps qui courent, le Cameroun et le Tchad retiennent l’attention de tous les observateurs. D’ailleurs, la "Bataille de Ndjamena" est justement la raison principale de ce sommet extraordinaire de la CEEAC à Kinshasa.
Bien entendu, l’on serait incomplet si l’on n’épinglait pas le coup de force qui devrait intervenir en Guinée équatoriale. Un groupe de mercenaires devrait y perpétrer un coup d’Etat. Pour preuve, Malabo est en état d’alerte tant il se dit qu’un autre groupe de mercenaires s’apprêterait à attaquer Malabo pour libérer l’un des leurs détenu dans ce pays. Soit.
Des conflits récurrents qui fragilisent l’Afrique centrale, pourtant si riche, et déstabilisent les institutions nationales. Pourquoi ? Des causes endogènes et exogènes expliquent cette situation.
QUATRE CAUSES INTERNES, TROIS EXTERNES
Les maux qui rongent l’Afrique centrale peuvent être regroupés en quatre, au plan interne. L’Afrique centrale est otage du «protectionnisme politique », d’une «absence d’une classe moyenne politique », d’une « mauvaise justice distributive », et de la « montée en puissance de l’ethnicisme ».
« Voir Bruxelles, Paris, Lisbonne et mourir ». C’est en ces termes que l’on peut résumer la première cause pour soutenir qu’à plusieurs reprises, les décisions ne se prenaient pas à Libreville, à Brazzaville, à Kinshasa ni à Malabo ou à Luanda. Mais dans ces villes européennes qui ne sont autres que les capitales des anciennes métropoles. L’histoire de ces pays africains s’écrivait ailleurs, violant même le serment de ces grands africanistes de la sous – région. En l’occurrence Lumumba qui disait : « l’histoire du Congo devra être écrite au Congo par des Congolais ». Par extension, « l’histoire de l’Afrique devrait être écrite en Afrique par des Africains ». Ainsi, la guerre froide collait à la peau des Etats d’Afrique centrale qu’ils sont encore victimes de ce protectionnisme politique. C’est d’un.
De deux. L’Afrique centrale souffre de l’absence de cette « classe moyenne politique » indispensable, comme en économie, pour faire le lien entre l’élite et la masse populaire. Il y a là en quelque sorte comme un fossé. Partant, les démarches politiques sont souvent mal relayées et mal comprises. Ce qui a été à la base des premiers soubresauts qui ont émaillé les premières années de l’après-indépendance. De nombreux pays de l’Afrique centrale ont manqué des cadres politiques moyens au regard d’un système scolaire colonial emmuré.
Mais les choses deviennent plus complexes lorsqu’il s’agit de partager le « gâteau national ». L’élan égocentrique supplante le sentiment de solidarité nationale. D’où cette mauvaise justice distributive qui a suscité de nombreuses frustrations. De trois.
Frustrations découlant également de la " montée en puissance de l'éthnicisme " Ainsi sont nés des castes, des roitelets, l’atavisme, dénaturalisant ainsi la stratification sociale, l’ascension politique normale. Nous assistons par conséquent aux élans de conservation du pouvoir, à la résistance au changement et à la militarisation des régimes par la création des « armées prétoriennes » à base tribale ou régionale. Et de quatre.
Toutefois, l’Afrique centrale est l’objet des convoitises à cause de ses richesses incommensurables et encore inexploitées. I y a d’abord l’EAU. La Rdc, pour ne citer que ce pays, dispose du deuxième grand fleuve du monde, en termes de débit, après l’Amazone au Brésil. Et à chaque minute, elle perd 40 mille m3 d’eau douce par minute. Un don de Dieu qui « énerve » plusieurs pays.
En plus d’eau, il y a la forêt, le Bassin du Congo, l’un des plus importants du monde que possèdent les deux Congo, le Gabon et la Guinée équatoriale. Enfin, les minerais et les matières premières : or, diamant, coltan, uranium, cuivre, pétrole, gaz…. De quoi déclencher une guerre mondiale.
UNE FORTERESSE PRENABLE
Tout ceci fait de l’Afrique centrale une forteresse. Malheureusement, une forteresse prenable. Les différentes crises évoquées ici et là en sont les preuves indiscutables. Les causes internes ont laminé tous ces pays jusqu’à faire de l’Afrique centrale la « grande muette » du continent. Jamais, cette partie d’Afrique ne s’est pas manifestée de façon tout aussi pragmatique pour faire entendre sa voix et faire accélérer les différentes initiatives levées au niveau du continent, même en ce qui concerne l’intégration sous-régionale. Les pays de la sous-région évoluent dans une sorte de vase clos, quasiment en autarcie se contentant des privilèges des liens coloniaux. Mais en réalité otages de ce protectionnisme politique dénoncé dans les précédentes lignes.
C’est dans ces conditions que la RDC a été désillusionnée, descendue en un mouvement à deux temps. Ce pays pourtant disposait de tous les atouts pour assumer le leadership de la région.
L’on parlerait d’un autre langage du Tchad aujourd’hui si l’armée française n’avait pas fourni la logistique nécessaire. Il n’y a eu aucune intervention de la CEEAC. Bien plus, comme pour nous donner raison, le Sénégal patronne ce 13 mars à Dakar, la probable réconciliation entre le Tchad et le Soudan. Disons, entre Déby et El Bechir.
Aujourd’hui, l’Afrique centrale est à la recherche d’un leadership fort. La session de Brazzaville passe pour les observateurs de cette occasion qui a servi de déclic. Le sommet extraordinaire de Kinshasa devra prouver si l’on ne s’est pas trompé.
Voilà pourquoi les résolutions de la session du Comité paix et sécurité, COPAX, de la CEEAC qui s’est tenue à Libreville a mis un accent particulier sur le noyau militaire. Une structure indispensable qui a déjà fait ses preuves dans les missions de paix en Afrique à l’image de l’ECOMOG. Car, il faut bien reconnaître que l’Afrique centrale est encore aujourd’hui une forteresse prenable. C’est ce que visent les forces centrifuges attirées par les richesses de cette sous-région.
QUE FAIRE ?
Evidemment, la première chose consiste à faire une bonne lecture de cette crise tchadienne qui regroupe les Etats de la CEEAC ce lundi à Kinshasa. Ceci exige un véritable courage politique pour dégager les insuffisances et proposées des démarches politiques qui prennent en compte les aspirations des peuples de la sous - région, les mutations qui caractérisent l’environnement régional et international.
Cette analyse devrait incontestablement amener les dirigeants des pays membres de la Communauté à couper le cordon ombilical avec les anciennes métropoles pour élever les relations entre Etats au niveau de l’acception moderne des termes des relations internationales. De s’appuyer sur la bonne gouvernance pour combattre la pauvreté et réduire les frontières de l’ignorance. De renforcer les capacités des partis politiques en tant qu’écoles de la vie, de l’excellence et d’un patriotisme tous azimuts. Enfin, consolider davantage les processus de démocratisation dans le but de disposer des institutions nationales fortes et dépersonnalisées, soutenues par des Armées et Polices réellement nationales, mais socles des institutions républicaines.
Les réflexions sur la crise tchadienne constituent une opportunité cruciale pour que l’Afrique centrale se réveille. Quelle ne soit plus « la grande muette », moins encore le ventre mou du continent noir.
Freddy Monsa Iyaka Duku
Forum Réalisance