Critique à la théologie chrétienne
En réponse à l´article du théologue S. Kalamba Nsapo
Titre de l´article : Commémoration de l'esclavage
Abolition de l'esclavage mental des nègres d'Afrique
et construction d'un nouvel imaginaire
A lire entièrement sur : http://www.afrology.com/presse/esclavage_2006.html
Cher S. Kalamba Nsapo, votre article a retenu mon attention. Vous l´avez certainement écrit pour encourager la tenue du 10 Mai comme journée commémorative française aux crimes de l´esclavage. Mais ce qui m´a fort intéressé, c´est ce que vous avez notamment écrit et que j´ai repris ci-dessus, pour illustrer quelque peu la critique qui va suivre. Vous avez écrit sous ces rubriques :
I. Nouvelle version de la traite :
En outre, les leucodermes imposent depuis plusieurs années leur modèle axiologique, social et économique aux populations noires. Ce qui en résulte, c'est la certitude de la supériorité des leucodermes auxquels s'annexe la politique des dirigeants locaux dans des pays africains laminés par des régimes sanguinaires et la démission des cadres. C'est la quête du bonheur dans une Europe où les gouvernants durcissent les mesures de fermeture et de contrôle des frontières.
II. "Émancipe toi, toi-même de l'esclavage mental, personne d'autre que toi, ne peut libérer ton cerveau !" (Bob Marley)
C'est pourquoi il importe de " renouer avec nos racines " de façon intelligente et de rompre avec une image négative de nous-mêmes. Dans un bosquet où le singe n'est plus stupide, pareille démarche ne peut se faire de façon naïve en comptant sur la bonne foi de l'Occident qui s'investit dans la culture de la domination et de la paupérisation anthropologique des nègres.
….
A cet égard, l'Afrique libérée de l'esclavage mental a une responsabilité immense et incomparable. Son impuissance dans le monde actuel est un socle pour poser les bases d'une humanité libérée des dérives de la modernité occidentale. Il devient urgent de repenser le meilleur d'elle-même à l'intérieur d'un imaginaire qui se compose de la dynamique de toutes les richesses qu'elle recèle en tant que " terre natale de toute l'humanité ". Contrairement aux falsificateurs de l'histoire, l'Afrique est le berceau de l'humanité et porte en son sein tout ce qui a apporté la civilisation à l'ensemble du monde. Philosophie, médecine, techniques et sciences, théologie… ces disciplines fondatrices viennent des 4000 ans d'histoire de la civilisation soudano-kongo-égyptienne.
….
Dans le but de créer un nouvel imaginaire, il importe de libérer l'inventivité des Africains et des chercheurs nègres à travers la restauration de l'histoire de la recherche scientifique et de la pratique universitaire en Afrique, susceptible de relancer le programme de renaissance africaine. On ne saurait mettre dans l'ombre la production artistique du Nigeria (2000 av. J.-C.), du Tchad et de la Libye (4000 av. J.-C.). Il y a beaucoup à dire au sujet de nos raisons d'espérer.
Fierté d'être nègre
….
Il faut créer un nouvel imaginaire à transmettre à toutes les couches de la population africaine. Un nouvel imaginaire qui fera naître la fierté d'être noir et capable de mettre en échec toute tentative de déconstruction de sa personnalité. Aucune société ne peut avancer " sans un sentiment au minimum d'acceptation de soi " .
Conscient des enjeux de la résistance
Une Afrique capable de résister aux assauts des tueurs à gage ne peut s'expulser de son espace au moment du pillage. Sinon, le monde s'en moque et trouve des raisons suffisantes pour poursuivre son anéantissement. Il est temps de mettre fin à l'esclavage mental inoculé dans la chair des peuples. C'est la tâche des Africains à même de se choisir des dirigeants patriotes, dont ils assureront la défense et la protection à l'heure où les marchands de la mort menaceront de mort toute personne qui viendrait porter atteinte aux intérêts du capital mondialisé.
Commentaire et critique réalisance
Si je ne me trompe, vous êtes originaires du Congo (RDC), comme moi ; et je vous avoue que j´ai lu avec attention votre article, parce qu´il parle d´émancipation mentale, pour nous une condition sine qua non à la libre et souveraine réalisation. Et cependant, malgré que vous parliez de la destruction de l´identité culturelle et de la personnalité sociohistorique de l´homme noir par l´occident, vous oubliez que vous-mêmes êtes ce ceux-là qui, passant par exemple à côté du Kimbanguisme et de Simon Kimbangu, de toute la spiritualité fondamentale et pure de la culture noire, pour connaître et apprendre Dieu, vous avez fait des études de théologie chrétienne pour apprendre que Dieu était blanc et qu´il avait les yeux bleus. Comment vous sentez-vous aujourd´hui dans votre peau pour vous croire être en mesure de donner des leçons « de retour aux sources » aux africains, si ceux qui vous ont aliénés ont tenu systématiquement à détruire depuis 600 ans ce qui faisait notre personnalité historique et culturelle ? Croyez-vous que vous êtes aujourd´hui crédibles pour avoir avalé et suivi la logique et le structuralisme occidental jusque dans sa spiritualité ? Ne croyez-vous pas qu´on puisse vous reprocher à raison d´être pire qu´un Bounty, comme vous décriiez ? De ces faux intellectuels qui avaient bu au râtelier du maître occidental à satiété pendant que celui-ci humiliait et détruisait sciemment notre culture et notre personnalité, qu´il assassinait nos femmes et nos enfants avec de gros mots creux de culture, de liberté, de démocratie ? Si on vous a inculqué que Dieu était blanc, qu´il fallait apprendre sa spiritualité en avalant la théologie du maître blanc ; qu´est-ce qui vous donne aujourd´hui l´autorité (ou le toupet) de croire que vous connaissez le chemin qui mène aux retours aux sources africaines ? Ne devrait-on pas plutôt vous classer dans la catégorie des aliénés en mal d´originalité ou d´origine qui aujourd´hui, ayant fait sien de la doctrine de domination du maître, du haut d´un piédestal déculturé, prétendait de nouveau à tromper les africains en leur faisant croire qu´ils connaissaient leurs problèmes, eux qui avaient fondamentalement revêtu l´esprit pervers du maître en reniant leur authenticité ?
Beaucoup de questions décidément auxquelles vous-mêmes pouvez répondre. Et permettez-moi, malgré votre excellent article, de vous dire qu´il ne suffit plus, pour se dire africain de citer Taubira ou Aminata Traoré ou autre pour tromper de nouveau son monde. Ces temps-là sont révolus. Et comme vous parlez de renouveau imaginaire, croyez-vous que celui-ci se fasse avec votre église, l´église catholique qui décréta l´esclavage des noirs et la colonisation de sa culture, de ses biens et de son espace existentiel ?
Ce que nous déplorons aujourd´hui, ne vous a-t-il pas été inculqué comme le sens normal, la logique de l´histoire ? Avec toute ma bonne foi, et même tenant compte que vous dirigez la revue Anta Diop à Bruxelles, j´ai beaucoup de peine à vous faire confiance, parce que vous me semblez incarner le venin qui depuis des siècles nous assassine. C´est autre chose que d´aller en occident apprendre l´économie, la comptabilité, ou la mécanique. Vous, vous êtes aller apprendre à propager et enseigner le Dieu chrétien, et donc vous avez détruit en vous les voies spirituelles originelles qui pourraient vous rapprocher de vos racines nègres. La fierté d´être noir, dites-vous ? Venant de vous, cela étonne ; cela doit vraisemblablement être un slogan vide comme on en entend sous la tour Eifel ou à new York, où les noirs ne sont plus que noirs de peau, car ils rêvent d´être blanc et travaillent chaque jour pour le moloch qui nous étouffe et nous assassine chaque jour. J´aimerai bien savoir s´il vous est arrivé de faire franchement une autocritique sincère et franche, une qui ne ment pas ou ne fait pas semblant.
Nous avons certes des problèmes, et j´avoue ici que votre objectivité m´a séduit, malgré que vous me laissiez un sentiment superficiel et lointain ; et cependant, ce dont nous avons besoin aujourd´hui, c´est des gens dont l´âme est d´ébène. De cette pureté qui touche l´âme profonde de l´Afrique, la caresse et l´aime pour l´aider à retrouver sa voie. Pas de faux, pas de perroquets, pas de clown répétiteur sans âme, et surtout sans racine qui les ancre dans le cœur vivant du continent éternel. Et croyez-moi, nous en sortirons, à notre manière ; mais plus que jamais nous aimerions que l´air, l´eau, le sourire de nos femmes et de nos enfants nous rendent ces chants oubliés de nos ancêtres qui firent danser la savane et rire le soleil, de ces larmes et de ces prières chères et inachevées qui couvrirent de joie l´entrée de la race humaine dans l´histoire. Dans toute leur profondeur, dans tous leurs tourments, dans tourtes leurs attentes parce que dans leurs rêves les nôtres s´y confessent. Nous, nous n´avons jamais ni perdu ni trahi notre foi.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu