Bounty or not Bounty, is that the question ?
Réponse à l´article : Appel à témoignages en vue d'un documentaire Grioo.com : Bounty or not bounty ? du 23.02.2007
Réponse de Réalisance
Avant propos
D´abord je remercie vivement mon amie Marie qui a attiré mon attention sur cet appel, ou devrai-je dire sur ce sondage ballon ? Le fait que le mail ne fonctionne pas laisse plusieurs hypothèses ouvertes. Et cependant, puisque Grioo a pris la peine de le publier…cela n´enlève en rien à la pertinence des questions qui sont posées ici.
D´un point de vue général, cette étude nous donne l´impression de chercher à dévoiler l´opinion commune des noirs ou des africains en Europe. Pourquoi ? De mon avis personnel je dirai (et c´est peut-être typiquement valable pour Grioo) qu´on va à la pêche aux opinions et aux conditions par lesquelles on peut facilement agir sur la communauté africaine en Europe, en France particulièrement. A quel but ? Est-ce à un but d´intégration réelle ou est-ce, au moment où une vaste discussion chez les expatriés africains volontaires ou afrodescendants se concrétise et s´approfondit en mettant en cause autant la capacité européenne d´intégration que la problématique de l´identité culturelle, sociohistorique de l´homme noir face à la culture et à l´historicité occidentale, une façon comme une autre de jouer au faux sociologue ? Ces deux identités d´historicité ultérieure antagoniste sont-elles compatibles à long terme, et à quelles conditions ?
Celui qui croit – et cela a toujours été, hélas l´aveuglement occidental – que cette question est sans propos se trompe bien, car pour parler de liberté, de réalisation sociale, et même d´intégration ; il faut bien savoir si oui ou non la liberté (qui comprend le libre accès au travail, le respect de l´intégrité morale et physique de ceux qu´on veut intégrer, est garantie. Par ailleurs, que comprend-on donc sous intégration ? Est-ce l´abandon d´une identité culturelle propre pour satisfaire á des valeurs communes occidentales mercantiles et capricieuses qu´on changeait au gré de la mode, des dictats ou intérêts industriels ? Ou étaient-ce ces brillantes valeurs sociohistoriques qui firent jadis l´esclavage, la colonisation, et entretenaient aujourd´hui une francafrique qui étouffait et assassinait l´Afrique tout en conservant en métropole un méprisant relent de racisme et d´exclusion ?
A part son industrialisation qui menait aujourd´hui son homme au chômage, dont la société avait détruit la famille traditionnelle et n´a pas réussi à vaincre la criminalité ; l´Europe savait-elle quelles étaient ses vraies valeurs aujourd´hui et demain ? Ou toute cette histoire, ce ballon n´avait pour but que de tester à quel point les africains de la diaspora ou les afrodescendants étaient prêts à trahir les leurs en fermant les yeux sur les criminelles et inhumaines coups bas de la francafrique ?
On entendait dernièrement le candidat Sarkozy se vanter sur ses plans sur un ministère à l´identité ou à la nationalité française. Reconnaissait-on ce même droit aux allemands, aux polonais, aux roumains,…aux africains ? Ou demandait-on aux africains une assimilation reniant leur couleur de peau, leur identités culturelles, quand le racisme et la discrimination n´avaient pas encore été vaincu en France, en Allemagne, en Angleterre… ?
Mais, revenons si vous le voulez bien aux questions posées, car en y répondant, nous allons éclairer bien de choses, et, bien sûr poser nos propres questions. Car, ne nous méprenons pas, celui qui veut ou qui parle d´intégration, parle aussi de relations partagées et réciproques ; la France est-elle à même de garantir cette réciprocité ou sortirait-elle un jour le gourdin en disant : ceux qui ont fait ceci, ceux qui ont fait cela doivent quitter la France ?
A la première question, s´il y a une alternative à l´intégration pour les descendants de l’immigration noire en Europe ?
Je répondrai hélas par une autre question précisant un peu ce quiproquo : qu´est-ce que c´est l´Europe, après tout : un lieu d´intégration de valeurs ou un lieu d´association momentanée d´intérêt ? Après tout, ce genre de questions n´ont pas été posées aux arabes qu´on avait, en masse importé de pays arabes ; et eux non seulement sont restés en Europe, mais ils ont cultivé leurs valeurs et leurs religions parallèlement à la société occidentale. Cette expérience est très intéressante à citer, parce qu´elle prouve autant de l´incapacité des sociétés européennes à la parfaite intégration et au partage de valeurs, autant qu´elle prouve l´importance, pour des communautés expatriées de l´importance de la conservation de leurs valeurs originelles. Mais alors, pourquoi veut-on obtenir chez l´homme noir d´un lavage de cerveau accouchant d´un Bounty sans conscience et sans identité raciale ou culturelle ?
Deuxième question, sur les thèses de Gaston Kelman qui seraient les seules rationnelles. Et à celles-là, je réponds ceci : Gaston Kelman a fait un travail nécessaire à tout point de vue ; il a choisi de choisir. Et même si il plaide pour l´au de-là du blanc et du noir, il ne peut hélas pas effacer 400 ans d´esclavage, 100 ans de colonisation et 46 ans d´une francafrique des plus honteuses et inhumaines. Et je me demande si le fait d´être bourguignon (notez que j´ai bien saisi l´humour) ou de choisir de ne pas manger le manioc pour la pomme de terre qui, rappelons-le lui ici, n´est pas, contrairement à ce que prétendent les occidentaux une denrée européenne, mais bien péruvienne ! En effet la pomme de terre fut introduite par les conquistadores espagnols de retour du Pérou au 16ième siècle.
Et d´un point de vue purement objectif, croire que les thèses de Kelman sont les plus rationnelles…c´est taper dans le beurre et croire que les noirs se doivent de se dénaturer, d´accepter tout ce qui leur a été fait, et de vivre comme d´heureux bourguignons français comme l´ami Kelman. Peut-être lui manque-t-il de sens d´identité historique, qui sait ? Mais certains noirs en ont ; et eux ils ont difficile à digérer que les blancs français peuvent se permettre le racisme, l´esclavage, la discrimination ouverte et l´exclusion sociale tout en affichant : liberté, égalité, fraternité, et que les noirs doivent y faire preuve de compréhension rationnelle ! A propos, à quand fin de la francafrique ? Quel sentiment a donc Gaston Kelman d´être d´une France qui entretient vilement un tel système inhumain d´exploitation ? Faut être bourguignon pour ne pas aller aux barricades. A mon avis une bassesse sans pareille. Il s´agit de quelque chose que Kelman concède sans savoir ce que cela représente pour les autres, notamment la liberté. Car celle-ci a des implications pas seulement pour les noirs, mais les blancs aussi. Et ce n´est pas toujours aux noirs de faire des concessions. Pas du tout, les français devraient bien le savoir ; or l´histoire le prouve, ils exigent toujours des concessions des autres tout en persistant dans leurs abus et perversions !
Troisième question : Faut-il entretenir la mémoire de l’Afrique même si on n’y a jamais été et que l’avenir personnel se joue hors d’elle ? Quand on est africain, oui, après tout cela fait partie de l´identité de l´homme noir. Curieuse question pour des gens, des cultures qui aujourd´hui encore exercent le racisme et la discrimination raciale contre les noirs ! Ce problème ne se poserait pas aujourd´hui, ou du moins pas si intensivement si les noirs n´avaient pas subi pendant 600 ans d´un honteux et inhumain traitement de la part de la race blanche. Et je gage que si l´intégration et l´assimilation avaient été pratiquées dès le départ, que les droits et les libertés avaient été reconnues et appliquées aux africains ; aujourd´hui nous ne parlerions plus de ce problème. Aujourd´hui, c´est à l´occident de prouver que non seulement cette culture a évolué et reconnu ses erreurs, mais qu´elle est capable d´une intégration sans tâche. Est-ce le cas ? J´en doute, et le livre de Kelman le prouve. Je n´irai pas dans les détails, et cependant…il faut aller dans le quotidien journalier français pour faire la preuve journalière que le racisme, la discrimination ou l´exclusion n´ont pas disparu. Et cependant, le délinquant séculaire voudrait déjà avoir l´absolution ? Nous ne sommes pas à l´église…
Si la France cessait de jouer à la fausse liberté, elle découvrirait que lorsque celle-ci est reconnue aux autres ; ceci implique aussi le respect de leurs identités quelles qu´elles soient ! Et ce n´est pas parce qu´un français travaille et vit au Maroc, aux Etats-Unis ou en Allemagne qu´il est tenu de perdre son identité française ! Curieux que cette question ne soit pas posée aux hongrois, aux italiens, aux allemands, aux polonais ; eux aussi ont des identités étrangères en France.
Quatrième question : Y a-t-il une idéalisation du modème « black » américain. Color blind ou color conscious ? En fait, je ne vois pas ce qu´on veut faire ici, ou insinuer ; voudrait-on fabriquer des noirs qui n´auraient pas conscience de leur couleur de peau ou de ceux qui n´auraient pas conscience de l´historicité de cette race ? Le vœu d´harmonie sociale et raciale, même dans la société américaine, ne disparaîtra que lorsque les séquelles de l´esclavage, des exclusions et du mépris sociales qui les ont accompagnées auront disparu. Et ne l´oublions pas ; elles sont profondes, durables, et elles se transmettent de génération en génération. Seules des valeurs disciplinées et sincères pour tous peuvent aider au changement. Mais de Là à croire qu´un blanc ou un noir ne verraient pas chaque jour devant leur propre miroir qu´ils sont blanc ou noir ; c´est de la pure foutaise. Je dirai plutôt que quand la couleur de leur peau ne sera plus un facteur quelconque de discrimination, de privilège, d´enfermement ou de condamnation gratuite et prématurée ; alors les choses les choses iront beaucoup mieux.
En fait, en répondant à ces question j´ai eu la certitude que la meilleure façon de vouloir changer les choses, en vérité, c´est de prendre l´autoroute de la liberté. Celle de la vraie liberté : de celle qui s´exerce partout et sur n´importe qui avec la même immédiateté, les mêmes valeurs, les mêmes droits, les mêmes obligations. Sans cela, on ne faisait que jouer à un jeu sournois qui ajournait une universalité qui, bien comprise et traduite dans des valeurs économiques, financières, sociales réduiraient bien de conflits sur terre. Une question de maturité existentielle, car par trop souvent certains êtres humains, et mêmes certaines sociétés croient qu´ils détiennent la liberté et qu´ils se doivent l´imposer ou l´exercer au détriment de celle légitime des autres. A ce compte-là, même pour notre écologie en danger de mise à mal, la guerre est ouverte. Faut pas se leurrer ou vendre des vessies pour des lanternes.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu