Japon. Le G8 du dragon à deux têtes
Les chefs d'Etat et de gouvernement du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) et ceux des pays africains invités (Afrique du Sud, Algérie, Ethiopie, Ghana, Nigeria, Sénégal, Tanzanie, plus l'Union africaine) se sont retrouvés pour un déjeuner, suivi d'une séance de travail, dans un hôtel de luxe du nord du Japon.
Financer l´avenir ou entretenir le retard ?
« Etre assis à une table garnie ne fait pas de vous un dîneur ; à moins que vous puissiez vous servir des plats qui sont proposés » Malcolm X
Apparemment un G8 comme tous les autres, sauf que cette fois-ci l´Afrique semblait, pour la circonstance, avoir été invitée à faire bonne figure dans le cadre restreint des gouvernements des pays les plus industrialisés et les plus riches du monde. Et dès le premier jour de cette séance de travail, des informations pleuvent de tous côtés : l´Union Européenne serait prête à ouvrir une aide à l´Afrique de l´ordre d´un milliards € pour secourir l´agriculture africaine improductive et retardée. Les Etats-Unis promettaient de s´engager plus activement que par le passé dans l´effort écologique du monde ; et à propos de l´énergie, certains pays parmi lesquels l´Amérique et le Japon préconisaient le recours aux centrales atomiques pour endiguer la crise de l´énergie, tandis que l´Allemagne plaidait pour l´intensification de l´exploitation des sources d´énergie naturelles (Vents, courants marins, géothermie, solaires).
Et puisqu´il s´agissait, et c´était l´intention qui avait justifié l´invitation aux pays africains du continent le plus pauvre de la terre, de débattre de la crise alimentaire qui frappait ce continent, mais aussi tous les pays sous développés tels Haïti, Guadeloupe, République Dominicaine, Birmanie…etc de plein fouet avec des conséquences dramatiques pour leurs populations. On se trouvait ici en aval de la crise économique, là où les conséquences du retard au développement économique subissait, avec une violence accrue, tous les inconvénients possibles du manque à se défendre, à adoucir ou à éviter les dégâts sociaux. La pauvreté et la faiblesse économique ne permettant pas d´avoir les moyens de lutter adéquatement contre la montée mondiale des prix alimentaires provoqués par l´emploi du Bioéthanol à base de maïs, par exemple ou de l´huile végétale pour alimenter les moteurs à combustion suite à l´envolée des prix du pétrole.
De l´autre côté, en amont, les pays riches et industrialisés étaient confrontés avec une crise économique de saturation et de concurrence internationale accrue que la montée de la Chine et de l´Inde aux rangs de candidats doués à l´industrialisation, ainsi que l´augmentation autant intempestive qu´indésirable des prix de l´or noir venait écorcer la situation. Notamment en augmentant, avec une sensible inflation les prix de facteurs de production (travail, transport, matières premières, énergie, capital). Et si, face à une grondante mondialisation, les pays riches avaient réussi à réduire progressivement leurs coûts de l´emploi (pour réduire notamment le chômage) quitte à renflouer le manque à gagner de ces bas salaires jusqu´aux confins de l´aide sociale améliorée ; face à la montée des prix du transport, ceux du chauffage et leurs répercussions sur les coûts des biens de consommation, ils n´avaient aucun pouvoir d´action. Et au risque que tous les prix s´enflamment sous la flambée des coûts de l´énergie, il y avait lieu de chercher rapidement de fraîches alternatives pouvant éviter la surchauffe indésirable des économies touchées.
Cette rencontre mettait en présence ceux qui voulaient aller de l´avant mais n´en avaient pas les moyens face à ceux qui, pour maintenir leur avancée, se devaient d´investir dans de nouvelles sources d´énergie, le pétrole tournant lentement au vinaigre. Les uns tendaient (comme toujours) la main, tandis que les autres cherchaient à changer ou à corriger les erreurs d´estimation énergétique (Et c´est dire aussi de croissance) qu´ils avaient faites pour maintenir leurs niveaux de vie et leurs relatives croissances. Un tête à tête étiré ? Les uns vers l´avant, les autres pour éviter la noyade ? Ou pouvait-on dire : ceux dont on abusait et qui manquaient à leurs devoirs de se structurer et de produire par eux-mêmes, et ceux qui, tout en abusant (notamment en noyant les premiers avec leurs surproductions industrielles et agricoles plusieurs fois subventionnées) et en empêchant les faibles africains à vendre leurs produits sur les territoires économiques des riches, se trouvaient embarrassés et plutôt surpris que leurs clients s´évaporent pour insolvabilité, famine, pauvreté chronique.
Ah, oui ; il y avait aussi un intérêt écologique commun : la détérioration irréfutable aujourd´hui de l´environnement écologique mondial. Les uns y avait mis plus que les autres leurs mains désastreuses, mais qu´importe, si rien ne changeait, tout le monde serait soumis à des conditions de vie effroyables. Ici, et encore une fois, les camps se divisaient : celui des riches et celui des pauvres. Ou celui de ceux qui avaient les moyens techniques et financiers de changer les choses si ils le voulaient. Et le camp de ceux qui à force de suivre les premiers, de les imiter ou de se laisser influencer par leurs solutions techniques qui n´étaient pas toujours parfaites, avaient cessé de croire en eux-mêmes et même d´accomplir leurs précieux devoirs à domicile envers eux-mêmes et leurs propres avenirs. Le mot magique d´aide est vite trouvé de nos jours pour cacher ces disparités. Or, bien de choses fondamentales, capitales pour l´avenir d´une société ne se réalisent pas avec une quelconque aide que ce soit : entre autre la mise sur pied de normes sociales sévères et ambitieuses permettant à l´instruction et à la formation professionnelle de produire des cadres sociaux qualifiés et à haut rendement créatif. Cela mettrait sur pied la production et les structures adéquates au bon fonctionnement, et surtout à la bonne gestion de résultats autant que de leur amélioration.
A mon avis trop de gens se sont encroûtés dans la fainéantise et l´expectative que procure l´aide. Et celle-ci, tout en étant « bénévole », n´en est pas moins orientée et intéressée par les achats et la filiation commerciale qu´elle impose. Son vice est donc double : elle pervertit et abrutit celui qui la reçoit, autant qu´elle le contraint et l´assujettit à celui qui la donne. A long terme, elle devient une fosse commune où tous les incapables et les corrompus vont enterrer tous ceux des leurs auxquels ils refusent les devoirs de promotion, d assistance et de défense. Et à mon avis, pour sortir de ce cercle vicieux, les pays sous développés, et particulièrement l´Afrique, doivent être obligés de rentabiliser l´aide dans les secteurs les plus fondamentaux de toute industrialisation : à savoir l´instruction et la formation technique, la production de machine de production, celles des outils ou instruments de production. Sans cela, ces pays détruisaient le capital d´aide en vivant de la main à la bouche…et revenaient demain quémander de nouvelles aides. Mais ni dans leur mentalités, ni dans leurs dispositions à se prendre eux-mêmes en compte, ces sociétés n´ont évolué ! Et si les pays riches n´existaient pas, que feraient donc ces pays pauvres ?
Il est temps, à mon avis, de faire taire tous ceux qui, dans les deux camps, avaient levé leurs tentes dans l´aide au développement sans prendre en compte que cette aide devait être effective, temporelle et non éternelle. Et à mon sens, c´est parce que trop de gens, trop d´organismes douteux en vivaient grassement tout en n´ayant aucune saine projection économique, que cette aide persistait tout en ne donnant aucun résultat consistant jusqu´à ce jour. A quoi cela servait-il d´aider aujourd´hui un enfant à aller à l´école et apprendre une profession, si aussitôt formé il ne trouve pas d´emploi ? A l´aider à mieux philosopher sur la rue ou à devenir dangereux criminel instruit ? A quoi cela sert-il de monter un hôpital en pays sous développé si les instruments, les médicaments et les honoraires des médecins et des infirmières ne sont pas structurellement assurés par cette société sous développées ? Ou encore construire des routes en pays sous développé qui ne construit ni ne fabrique ou monte des véhicules ou utilitaires de transport…ce n´est rien d´autre qu´allonger un tapis rouge à l´industrie automobile occidentale ! Pourquoi ne pas privilégier le train qui est multifonctionnel ? Le festival des demi vérités qui ne cachaient qu´une chose : les intentions de cette aide n´étaient pas celles qu´on affichait. Ou alors ceux qui s´y adonnaient étaient, ou de mauvaise foi, ou de petite vertu économique. Car si cette aide était faite avec moins de sentimentalisme ou d´ambiguïté, dans un ferme but d´obtenir des résultats concrets et durables, on l´entreprendrait autrement. J´en suis pleinement persuadé.
Ce G8 ne va pas résoudre les problèmes de l´Afrique. Celui ou ceux qui s´y sont empressés ou croient que la fin de leurs problèmes est enfin arrivée devront repasser. Et même si la Banque Mondiale, dans un aveu pathétique, a prétendu que la misère alimentaire actuelle des pays pauvres était due au biocarburant ; on doit tout de même se demander pourquoi les pays riches ne meurent pas de faim ? Après tout, ce sont eux qui souffrent le plus de l´augmentation indésirable du prix du pétrole. Oui, pourquoi ? Mais tout simplement parce qu´ils produisent pour satisfaire à leurs besoins et leurs nécessités. Et autre chose : ils sont détenteurs du capital et maîtres de leur technologie et de leurs processus scientifiques et techniques de production. Les pays sous développés, par contre, n´ont ni l´un ni l´autre. Pis, ils importent pour assagir leurs besoins alimentaires et ne sont ni nantis en capital ou maître de quelque technologie que ce soit. Ils dépendent tous dans leur budget de l´aide extérieure. C´est pour cela que ces turbulences sur le marché alimentaire international les touche de plein fouet.
Beaucoup voient dans l´aide une quelconque obligation de la part de l´occident. Moi pas. Et je maintiens que si l´occident aide l´Afrique, c´est afin que celle-ci se relève le plus rapidement que possible, et pas que ce continent séjourne éternellement en mendiant et nécessiteux de l´histoire humaine. Il est donc grand temps de dire autant aux africains qu´à leurs généreux donateurs que dans l´intérêt d´un avenir de partenariat solvable et respectable, il est temps de rentabiliser l´aide et se défaire de complexes et de préjugés protectionnistes ou colonisateurs. Et le pouvoir africain dans cette affaire est tenu de s´exercer avec plus d´intelligence et d´efficacité qu´il ne l´a fait jusqu´aujourd´hui. Ces 1,6 milliards $ promis en aide de ce G8 du Japon ne sont qu´une goutte d´eau dans la mer. Mais minutieusement et effectivement engagés, ils peuvent rendre un service de véritable portée pour l´avenir. Mais l´effort des africains eux-mêmes, c´est celui qui pèse dans la balance, ainsi que leur désir assidu de changer les choses au mieux.
Musengeshi Katata
Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu
Forum Réalisance